"Rock is dead"

Le rock est mort. "Rock is dead", l'intitulé que Carole Epinette a donné à l'exposition photo qui célèbre ses vingt et quelques années de carrière.

Ok, beaucoup de légendes nous ont quitté ces dernières années mais, quand même, ce n'est pas très optimiste pour une spécialiste des clichés d'artistes et de concerts.

Dans une vie antérieure, pendant mes premiers stages en presse écrite, j'ai croisé Carole, je l'ai vue travailler. Toujours de bonne humeur, toujours enthousiaste malgré un emploi du temps surchargé et les tonnes de matériel qu'elle se trimbalait. Alors, pour mieux comprendre ce revirement, j'ai traversé Paris et suis allée voir son expo.

Une vingtaine de photos en noir et blanc tapissent les murs de Mood / Galerie Stardust. Parmi les mythes trépassés placardés dans les trois salles, Lemmy Kilmister exhibe son téton gauche, David Bowie tellement proche du bord de la scène qu'on s'attend à ce qu'il glisse, Amy Winehouse plantée devant son micro, les yeux dans le vague, Mick Jagger souverain en contre-plongée ... Eh, mais attend ... Il est pas encore mort, Jagger.

Elle explique sur France Inter : " [... ] Il y a  une bonne partie des artistes exposés qui, malheureusement, sont morts. Il n'y a pas que des morts, je tiens à le préciser, mais Lemmy, Bashung, Amy Winehouse, James Brown ... Ça fait partie des légendes qu'on ne verra plus. Et puis c'est [un nom] un peu provocateur et ça me plaisait bien aussi."

Loin d'être une expo-hommage à tous les génies du rock décédés ces dernières années, Carole a d'abord voulu partager ses meilleurs souvenirs, des années 90 à nos jours.

En dessous de chaque photo, un bristol noir sur lequel est résumé, en quelques lignes manuscrites blanches, la perception de l'artiste. Des anecdotes qui permettent de mieux comprendre son travail, les conditions dans lesquelles elle doit réaliser ses clichés. Et aussi un aperçu de son caractère.
Tellement soufflée par un concert de Bowie qu'elle oublie de faire le plein d'essence et tombe en panne sur la route du retour. Ou quand elle fugue avec le chanteur des Queens of the Stone Age parce que la salle que l'attachée de presse a choisi pour le shoot ne lui plait pas ... Plus une vingtaine d'autres pour mieux imaginer l'envers du décor. Ce qu'il se passe de l'autre côté de l'objectif, avant le papier glacé et la postérité.

A noter : fin de l'exposition "Rock is dead" le 30 septembre. "Dévernissage" en présence de Carole Epinette le jeudi 28, à partir de 19h. Galerie Stardust : 37 rue de Stalingrad, Le Pré-Saint-Gervais, métro 5 - Hoche.

Flashback

Le noir et blanc et les photographes rock, c'est une grande histoire d'amour. Premièrement, parce que pendant longtemps les magazines ne publiaient pas de photos en couleur. Mais, pour certains, c'était de toute façon "trop facile" et ils préféraient se frotter au côté plus technique de la prise de vue en bichromie.

Comme Pennie Smith, qui travaillait pour le magazine anglais New Musical Express et à qui l'on doit la pochette de l'album "London Calling" du Clash. Élue meilleure photo de l'histoire du rock par Q Magazine, en 2002, s'il vous plait.

Dans une interview donnée à son confrère Nick Knight, elle revient sur le contexte dans lequel la photo a été prise.

Ce soir de septembre 1979, le Clash joue au Palladium de New-York et clôt sa tournée nord Américaine. Smith a déjà déroulé un nombre incalculable de pellicules et passer des heures en chambre noire. Elle n'a pas l'intention d'aller au concert et préfère dîner avec des amis. Finalement, changement de programme, elle s'y rend quand même. Mais plus en spectatrice qu'en reporter. Pourtant, elle dégaine son Pentax quand elle aperçoit Paul Simonon saisir sa basse "un peu bizarrement". "Je n'ai littéralement pris que trois photos ce soir là." Elle et le groupe ne découvrent les images que quelques jours plus tard, après le développement. Deux des trois clichés sont inexploitables à cause des roadies qui passent dans le champ. Le troisième est entré dans la légende.